L’été en ébullition.
Cet été météorologique (juin, juillet, août) 2003 a, à grands coups de degrés entiers, tout pulvérisé, tout atomisé en matière de records climatologiques ; pire encore, il a profondément bouleversé notre conception même de l’été en Europe occidentale. Laissons de côté le prosaïsme des commentaires imprécis et subjectifs, plaçons plutôt en avant la « froideur » des mesures chiffrées. Avant 2003, au centre départemental météorologique de la Loire, à Andrézieux-Bouthéon, l’été le plus chaud en température moyenne était celui de 1994 avec 20.8°, talonné par 1983 avec 20.6°, puis 1950 et ses 20.3° enfin 1947 pour 20.2°. Le classement des plus chauds étés du point de vue températures maximales comprenait le même quatuor : 1950 était en première place avec 27.5°, 1983 suivait de près (27.2°) et avait dans sa roue 1947 (27.1°) et 1994 (27.0°). Une première constatation s’impose : 5 à 6 dixièmes de degrés seulement séparent le premier du quatrième été sur ces débuts de liste. L’été 2003 jette un formidable coup de pied dans cette progression décimale ; en effet, sa température moyenne affiche 23.7° et 30.7° pour la moyenne des maximales ! Bob Beamon, J.O. Mexico 1968. Afin de bien situer ce prodige, il est bon de rappeler qu’à Andrézieux, la température moyenne de tous les étés depuis celui de 1946 est de 18.5°.
Le nombre de journées atteignant ou dépassant les 30 degrés s’élève à 47 à Andrézieux durant cet été, il n’y en avait eu que 28 en 1994, 27 en 1983, 26 en 1976, 25 en 1952, 1950 et 1947. Le seuil des 35° y a été dépassé 21 fois cet été, le précédent record était de seulement 10 en 1947. Cette année 1947, toujours à Andrézieux, détenait le plus grand nombre de jours consécutifs au dessus de 35°, à savoir 7, du 27 juillet au 2 août. Ce record –qui a tout de même tenu plus de 50 ans- s’en est lui aussi allé en fumée puisqu’on note une série de 11 jours consécutifs à maximale supérieure à 35° : du 3 au 13 août 2003.
Quel émoi ce mois !
L’exceptionnel juin dernier a fortement contribué au caractère atypique de cet été, mais il n’a pas été le seul. D’ailleurs, il faut bien être honnête, début juillet on ne s’attendait pas de sitôt à un nouveau mois aussi torride… dans 10 ans, dans 20 ans ? et bien on n’a pas eu deux mois à attendre. Août 2003 ravit donc, pour près d’un degré, à juin 2003 la première place des mois les plus chauds. A Andrézieux, la température moyenne de ce dernier mois d’été est de 24.9°et de 32° pour la moyenne des maximales. Les précédents aoûts les plus chauds : 22.7° de moyenne en 1997, 29.2° de moyenne des maxis en 1991 font sourire ; là encore, août 03 ne fait pas dans la demi mesure. L’excédent de température moyenne de ce mois atteint +5.4° à Andrézieux-Bouthéon (24.9° contre 19.5° de normale), c’est le troisième écart positif le plus important derrière les +5.6° de février 1990 et les +7.4° de juin dernier. L’écart mensuel de la température maximale grimpe à +6.1°, c’est moins que les +6.6° de février 90 et surtout que les +8.9° de juin 03. Le décompte du nombre de jours au dessus de 35° pour ce seul mois est époustouflant : 11, c’est davantage que la somme de ceux des 28 aoûts de 1975 à 2002 (seulement 10). Les aoûts 1947, 62, 74 et 1998 en avaient compté 3 chacun et aucun n’avait fait mieux jusqu’alors.
Et juillet dans tout ça ? juillet 2003, coincé entre ces deux géants a du mal à se faire remarquer ; il est pourtant le quatrième juillet le plus chaud en température moyenne (22.0°) à Andrézieux depuis au moins 1946.
Une première quinzaine de feu.
La première moitié d’août est dominée par une canicule d’une extrême sévérité. A Bully ainsi qu’au Breuil, à compter du 5, la température maximale ne descend pas en dessous de 38° durant 9 jours d’affilée ; à la station automatique de Feurs-Randan, la plus petite maximale du 4 au 13 est de 38.3°, soit dix jours consécutifs au dessus de 38°. Le point d’orgue de cette chaleur excessive est atteint le dimanche 13, on relève ce jour là des maximales de 36.5° aux Sauvages, 36.9° à Violay, 37° à Montchal-Fontanes, 37.7° à St-Vérand, 38° à St-Symphorien, 38.1° à Jas, 38.3° à Neulise, 38.5° à Montchal-Chanin, 38.8° à St-Chamond, 39.3° à Andrézieux, 39.7° à Boën, 39.8° à Bully, 40.0° au Breuil, Liergues, Villefranche et Pommiers-en-Beaujolais, 40.4° à Charlieu (le 12), 40.5° à Lyon-Bron, 40.7° à Feurs-Randan ainsi qu’à Roanne (le 12), 40.8° à Feurs, 42.1° à Villeurbanne. Les records absolus de haute maximale datant du 31 juillet 83 pour l’essentiel sont battus dans quelques postes comme Villefranche, le Breuil, Villeurbanne, Lyon-Bron. Cette dernière station dont les relevés de température remontent à 1921 n’avait encore jamais enregistré de température supérieure à 40°, elle les dépasse deux fois ce dernier mois. Si en France de nombreux records absolus sautent, il n’en est rien pour la Plaine du Forez : Andrézieux reste très loin de son 40.8° de juillet 1983. La comparaison est plus délicate pour Feurs, la station ayant changé de place et de nature : à l’époque Mr Chazelle avait relevé 41° le 31 juillet 1983, ce mois ci la station automatique la plus proche de l’ancien poste monte au maximum à 40.8°. La raison de cette relative faiblesse de température est à chercher dans l’humidité du sol ; en effet, toutes les stations du centre de la France battant des records l’ont fait sur un sol extrêmement sec, là où l’évaporation ne pouvait plus jouer son rôle modérateur. Or le 20 juillet, dans le secteur de Montrond-les-Bains, Bellegarde-en-Forez, un orage d’une rare violence a précipité de l’ordre de 100 à 200 mm de pluie, d’ailleurs dans cette zone, la plaine est restée d’un remarquable vert tout au long du mois d’août.
Nuits étouffantes sur les monts.
Lors de commentaires sur une canicule, les températures minimales sont trop souvent absentes des débats ; rendons-leur ici la place qu’elles méritent. Durant cette première quinzaine d’août, les nuits demeurent remarquablement douces (pour ne pas dire fraîches) dans les localités de plaines et vallées : les minimales restent toutes en dessous de 20° à Feurs (20° max), Feurs-Randan (19.5° max), Charlieu (19.5° max), le Breuil (19° max), Bully (18.2° max). On ne peut pas dire la même chose pour les postes de montagne : la température ne descend jamais en dessous de 21.4° durant 10 jours consécutifs (du 4 au 13) à Violay, cette durée atteint même 11 jours aux Sauvages. La nuit du 11 au 12 est particulièrement chaude puisque le thermomètre ne descend pas en dessous de 26° aux Sauvages, la nuit suivante, c’est à Violay que l’on enregistre une minimale de 26.1°. Mais ce sont sans doute les habitants de St-Cyr-le-Chatoux, au dessus de Villefranche, qui ont passé la plus mauvaise nuit : le mercure n’est pas descendu en dessous de 27.5° entre le 11 et le 12. Finalement, et à cause de ces températures nocturnes très élevées, la température moyenne de la première quinzaine d’août est plus élevée à Violay (27.5°) et aux Sauvages (27.4°) qu’à Feurs (27.1°), Jas (26.6°), Le Breuil et Bully (26.3°).
Les pluies évaporées.
On ne peut pas dire que ces deux derniers mois ont été privés de pluies. Le cumul des précipitations du 1er juillet au 31 août est hétérogène d’une région à l’autre mais est parfois supérieur à la normale : 75 % à Violay, 90 % à Andrézieux, mais 110 % à Feurs et Bully, 130 % à Balbigny. Evidemment, les températures excessives ont dopé l’évaporation et, à l’instar du mois de juin, le bilan hydrique est nettement déficitaire ; sauf peut être très localement vers Montrond-les-Bains. On peut dire en schématisant un peu que toute la pluie tombée s’est évaporée dans l’atmosphère, sans réellement profiter aux végétaux. Voici la liste des cumuls mensuels en mm de juillet et août : Bully 61.6 / 83, St-Genis 109.2 / 98.5, Balbigny 122.5 / 59.2, Le Breuil 74.9 / 32.4, Andrézieux 48 / 75.4, Feurs-Randan 103.2 / 47.9, Feurs 113.5 / 37.5, Montrottier 81.2 / 80.8, Montchal-Chanin 104.7 / 45.7, Montchal-Fontanes 87.7 / 49.7, Violay 78.1 / 51.3, St-André-la-Côte 46.7 / 78.8, Jas 100 / 42, St-Vérand 72.3 / 54.2 , St-Symphorien-sur-Coise 75/ 72.5, les Sauvages 58.8 / 47.6. L’ensoleillement de cet été est évidemment très excédentaire et frise les 10 heures par jour : 900 heures à Bouthéon (dont 298 en août, 45h d’excédent) et 855 aux Sauvages (284 en août, 50h de surplus), la valeur normale étant de respectivement 770 h et 720 h pour l’ensemble de ces trois mois d’été.
Remerciements à Madame Laval (St-Genis-l’Argentière). Messieurs : Benier (Feurs-Randan), Blanchet (Villefranche et Villeurbanne), Blotas (Bully, Rhône), Bonnefoy (Jas), Coquard (Montrottier), Duchez (Balbigny), Le Gloahec (Montchal-Fontanes), Molin (St-André-la-Côte), Rollet (St-Vérand), Subrin (Le Breuil).
A Violay le 2 septembre 2003.
M. Gagnard
Contact : gagnard@univ-lyon1.fr
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