Norseman 2005.
natation : 3.8 km, vélo : 190 km, course à pieds : 42.195 km
Je ne crois pas qu'il s'est passé un jour -depuis le 7 août 2004- sans que je pense à l'édition 2005 du Norseman. Il est exagéré de dire que j'en ai rêvé toutes les nuits ; mais, pour la première fois, le rêve de la nuit d'avant course me faisait arriver triomphant au sommet du Gausta, sur la "ligne" d'arrivée.
Alors rêve prémonitoire ?
Non !
Je ne suis pas arrivé au sommet, d'ailleurs je ne suis pas le seul puisqu'un
seul triathlète a abouti au sommet du Télémark
photo
http://www.flickr.com. Vous en connaissez beaucoup vous
des triathlons avec une seule personne à l'arrivée sur environ 200 inscrits ?
Décidément le Norseman est un triathlon bien particulier, cette troisième
édition le confirme.
Eidfjord samedi 6 août. Lever à 2h 45. Le temps d'avaler un morceau de pain
de mie avec jambon et je retrouve Oevin à côté de la voiture : c'est lui qui va
mener la voiture et sera mon assistance tout au long du parcours vélo et course
à pieds. Mon fils Pierre sera son copilote. Depuis 3 jours il pleut et il fait
froid (10-12° ce matin). L'eau du fjord s'est bien refroidie depuis mardi où je
l'avais mesurée entre 15 et 16°. Déjà hier le mini triathlon s'est changé en
duathlon : l'eau est à 13 degrés au voisinage d'Eidfjord.
Pour le Norseman, l'organisation a modifié le parcours natation, il fera toujours 3800 m, on sera toujours largués d'un bateau mais on accostera à 10 km d'Eidfjord là où, paraît-il, l'eau est entre 14 et 15°. Nous aurons donc 10 km de vélo supplémentaires, heureusement ils sont plats.
4h 15. Tous les triathlètes ont pris place dans le Ferry qui quitte à présent
le port d'Eidfjord. Tiens il me rappelle quelqu'un le type en bout de banquette
rouge...
4h 45. Le bâtiment s'éloigne
puis s'immobilise au centre du fjord. Spectacle étonnant pour un touriste de
voir un Car-ferry ouvrir son "nez" comme pour faire descendre les véhicules en
pleine eau... Et que pense notre touriste quand, de la côte, il aperçoit plus de
cent silhouettes se masser au bord du "vide" ? Le touriste se saisit
immédiatement de son téléphone mobile pour appeler les secours lorsqu'il voit
les types se jeter à l'eau... Une corne de brume fait résonner le petit jour. Le
Norseman 2005 est lancé.
L'eau est froide, plus froide que l'an dernier à mon avis. Je suis victime du
petit coup de mou des 30 minutes, où on se dit que l'arrivée est encore bien
loin et qu'il commence à faire bien frais dans la combi. Peu de temps après
j'aperçois les lumières de Brimnes, le lieu d'arrivée ; le jus revient mais pas
la chaleur... Ca y est, voilà la berge : de gros cailloux, des gens vous aident
à escalader ces blocs puis arrive le parc à vélo.
photo
Pierre Gagnard.
1h 13' 33" de natation à mon chrono (et non 1h 17' comme inscrit dans le
tableau final des résultats officiels), il y a encore beaucoup de vélos dans le
parc, je suis environ le 60ème à sortir, en étant parti dans les derniers.
Décidément la natation c'est mon truc ! il y a 2 ans je ne savais pas nager le
crawl...
photo
Pierre Gagnard.
Change intégral bien entendu, pas question de garder quoi que ce soit de
mouillé sur soi car la température de l'air est de 10 degrés environ (et elle
sera bien plus froide encore dans quelques km). Changeage complet donc puis
enfilage des gants polaires -que je garderai jusqu'à la fin du vélo- et
mangeage d'un peu de pain.
1020 kcal ont disparu dans l'eau : c'est beaucoup pour à peine 1h 15mn.
Je mets 26 minutes pour parcourir les 10 km de vélo supplémentaires qui nous
ramènent à Eidfjord, lieu de la T1 de l'an dernier. Après une dizaine de km à
peu près plats, arrive la principale difficulté du parcours vélo : la montée sur
le plateau de Dyranut (alt 1250 m).
D'accord l'altitude ne paraît pas immense, mais on part du niveau de la mer.
L'arrivée sur le plateau se fait dans le vent et le froid, je retrouve ma
voiture suiveuse à Dyranut, son thermomètre indique 4°
.
J'enfile en grelottant un collant que je ne quitterai que le soir à la chambre
de l'hôtel. La traversée du plateau est plus aisée que l'an dernier où nous
avions le vent dans le nez.
Arrivée à Geilo (km 100). Ravitaillement à la voiture, il fait moins froid, nous sommes dans une cuvette à 800 m d'altitude. Là bas vers le sud de gros nuages noirs menacent... Et on va vers le sud. Il reste 4 bosses : 3 petites et une plus grosse. La pluie arrive peu après le départ de Geilo. Le moral en prend un coup : à présent il fait froid et il pleut. Les descentes sont terribles, les doigts crispés sur les freins. Arrive la dernière bosse, je dois trouver ma voiture en haut pour passer un tee-shirt supplémentaire en vue de la longue descente (30 km) jusqu'à la fin (enfin jusqu'à la transition n°2). J'arrive au sommet de la côte et là stupeur : PAS DE VOITURE... Je suis plus que gelé : les pieds insensibles jusqu'aux chevilles... Heureusement, la descente n'est pas immédiatement après la bosse : 15 km de plateau s'offrent à moi. La pluie redouble, le thermomètre oscille entre 3 et 4°, la neige n'est pas loin, le vent est insupportable. Je frôle le désespoir... que leur est-il arrivé ? et mes chaussures de course à la T2 qui va me les donner ?
Dans l'immédiat il faut penser à la descente, je dois avoir 1 litre de flotte dans les chaussures et j'ai FROID ! Le plateau est terminé, dans 500 m c'est la descente et je vais certainement chuter dans un virage, j'irai m'écraser un peu plus loin, personne ne me verra (de toutes manières il n'y a personne à des km par ici) et je finirai de mourir de froid. Un bruit de moteur derrière moi... la voiture suiveuse arrive ! ils s'étaient trompés de route ! en tout cas ils arrivent à temps...
La descente est terrible pour les doigts, les pieds eux ont perdu toute sensibilité depuis longtemps, il pleut toujours autant. Les virages sont délicats à prendre, il faut anticiper le freinage bien avant sinon on part tout droit. Arrive la longue descente de vallée, que faut il faire ? aller lentement pour ne pas trop se refroidir à l'air ou au contraire foncer dans la pluie pour arriver plus vite à la T2 ? J'opte pour la seconde solution : j'embraye le 53*11 et fonce tête baissée dans les flaques d'eau.
Voici la T2, le compteur indique 190 km tout juste, je suis rivé, accroché sur le vélo. Les pieds me font mal quand je les pose au sol... C'est fini ! on va pouvoir enfin se réchauffer en courant ! J'ai beaucoup de peine à manger : pour une fois ce n'est pas l'estomac qui refuse (l'anti-vomitif pris avant le départ a fait des miracles) mais les mâchoires qui sont restées trop longtemps serrées de froid. Je tremble à ne pas pouvoir me maîtriser. C'est Pierre qui me fourre deux poignées de noix de cajou dans la bouche comme on donne une poignée de sucres à un cheval. Je me masse les pieds devenus tous blancs.
Quel bonheur de courir ! Enfin on se réchauffe un peu, j'ouvre même la
fermeture éclair de ma veste au bout de 3 km :
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Je m'attarde un peu au premier ravitaillement (km 7)
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http://www.flickr.com.
Au second ravitaillement (km 7) il ne subsiste plus que le maillot blanc de
vélo. Je suis entrain de faire ma petite mixture perso avec le fiston
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http://www.flickr.com.
Je remets vite les habits au km 19 car la pluie revient. L'allure a fortement
baissé mais je continue de trottiner. Pierre a fait les 6 kms entre le km13 et
le km19 juste devant moi, ça m'a bien aidé.
km 25 atteint au bout de 3h (j'ai honte) toujours en courant. Le km 25 c'est
là où la pente commence : 9 km à 10% de moyenne, un peu plus douce ensuite
jusqu'au check point du km 37.5. On vient de m'apprendre que la course est
déviée : l'armée, propriétaire du sommet a fermé l'accès à la montagne pour
cause de brouillard et de neige. Il n'y a bien que la température de fraîche...
Moi je le suis de moins en moins :
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Pierre Gagnard
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Pierre Gagnard je commence à rêver d'une bonne douche chaude et d'un
bon lit. Allez, c'est parti dans les 10%, autant dire que je marche dans toute
cette portion. La pluie redouble, je croise Harek (l'organisateur) qui me
confirme la fermeture de la montagne. A y est on arrive en haut de la rampe
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Pierre Gagnard, plus que 4 km et je suis au check point du km 37.5.
Il fait 4°, il pleut, il y a du vent, JE GELE ! J'ai laissé 10 500 kcal (soit
plus d'un kg de graisse) durant cette folle journée et ce n'est pas fini, il
manque encore 8.7 km pour franchir la ligne d'arrivée que je viens d'ailleurs de
passer (mais pas dans le bon sens). En effet, la course étant déviée, on nous
fait redescendre par la route de notre montée une fois arrivés au CP du 37.5 km.
A y est , c'est fini, 42.2 km ! juste le temps de lever les bras pour la photo
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Pierre Gagnard et je m'engouffre dans la voiture (pour échapper à la
foule en délire ;-)).
16h 49 d'épreuve, un peu plus de 11 000 kcal de laissés dans les eaux et atmosphères norvégiennes. Direction l'hôtel à quelques km d'ici, dans la station de ski de Gaustablikk. Je manque de glucose dans le cerveau car je déclare au réceptionniste avoir réservé une voiture (au lieu d'une chambre). Petit sourire en coin dudit employé qui doit vraiment me prendre pour un fêlé.
Le lendemain matin, après un gargantuesque petit déj, a lieu la cérémonie de remise des Tee-Shirts. Théoriquement, il y aurait dû il y avoir 1 seul Black Tee-Shirt et le reste en White Tee-Shirt. Vu la tempé de l'eau dans le fjord, les 10 kms de vélo supplémentaires, les conditions météo relativement moyennes ;-) l'organisation a décidé de donner le Black Tee-Shirt à tous les gens ayant passé le CP du km 37.5 avant le temps limite (de 16h 50 après le départ).
Il faudra donc revenir l'an prochain pour espérer avoir le vrai Black Tee-Shirt, en montant au sommet du Télémark.
Les frenchies de la course, de gauche à droite : M. Gagnard (123ème), G.
Touchais (53ème), S. Fantini (52ème), S. Groux.(29ème)
photo
Pierre Gagnard.
La suite l'an prochain ?