Les grands hivers en France.
Textes tirés de "Recueil de données statistiques relatives à la climatologie de la France" de J. Sanson, 1945.
Voici tout d'abord un extrait de l'introduction de cet ouvrage qui se passe de commentaire :
"C'est ainsi que durant l'année 1938, la section de climatologie a eu à répondre à 540 demandes de renseignements écrites ; 730 personnes se sont en outre présentées pour obtenir des indications climatologiques dont elles avaient besoin (en 1928 le nombre annuel des visites à cette section était loin d'atteindre la centaine) ; et il faut ajouter à ces chiffres quelques 600 coups de téléphone. Pendant les six premiers mois de 1939, cette section a répondu à 280 demandes écrites, reçu 395 visites et donné 310 renseignements téléphoniques".
763-764. Hiver très rigoureux au
cours duquel la mer fut gelée sur nos côtes. Dans l'intérieur de la Gaule, des
froids extraordinaires furent signalés du début d'octobre 763 à la fin de
février 764. En certaines contrées de notre pays, il serait tombé, au dire des
historiens, jusqu'à 10 m de neige.
821-822. Tous les fleuves d'Europe,
en particulier la Seine, l'Elbe et le Danube furent pris par les glaces pendant
plus d'un mois. "Les plus grandes rivières de la Gaule et de la Germanie
furent tellement glacées que, pendant l'espace de trente jours et davantage, on
y passait par dessus à cheval et avec des charrettes".
859-860. Hiver très rude et très
long, durant depuis novembre jusqu'en avril. Chutes de neige abondantes.
974-975. Dans les Gaules, l'hiver
fut "long, sec et dur" ; il se prolongea du début de novembre au 20
mars : en mai, il tomba encore beaucoup de neige.
1073-1074. Fortes gelées du début de
novembre jusqu'au 15 avril, accompagnées d'un vent de Nord violent et desséchant.
"Les moulins ne pouvant fonctionner par suite de la prise des fleuves et
rivières, l'armée d'Henry IV, empereur d'Allemagne, souffrit cruellement du
manque de farine et, par suite de pain."
1076-1077. Un des hivers les plus rude
du XIème siècle, d'après les témoignages des contemporains. De très
fortes gelées se produisirent du 1er novembre au 15 avril, et le Rhin, ainsi
que le lac de Constance furent pris par les glaces de la St Martin jusqu'à la
fin mars. "cette année fut si étrangement froide que la plupart des
arbres, vignes et fruitiers moururent, que les semences en furent intéressées
et que la terre devint stérile pour les quelques années suivantes."
1114-1115. Hiver terrible en Bretagne
de m^me qu'en Angleterre. "La mer gela dans la Manche à quelque distance
des côtes, et les pierres les plus grosses se fendirent avec éclat."
1124-1125. Froids extraordinaires avec
chutes de neige abondantes en France, Allemagne et Italie. "Dans les rivières,
la glace était si épaisse et si solide qu'elle supportait les voitures chargées
; les chevaux circulaient sur le Rhin comme sur la terre ferme. Ces intempéries
se prolongèrent tellement que les arbres ne prirent leurs feuilles qu'en
mai."
1149-1150. Hiver très rigoureux dans
le Nord de la France, où, sur les côtes, les eaux de la mer étaient gelées
jusqu'à trois milles du rivage. Dura du début de décembre jusqu'à la fin de
février.
1204-1205. En Bretagne et dans le
Nord-ouest de la France, "grand hiver de la mi-janvier à la mi-mars."
1218-1219. Dans le centre de la
France, l'hiver fut si rude et si long que par trois fois la Loire, la Seine et
la Vienne se trouvèrent suffisamment gelées pour qu'elles puissent être
traversées sur la glace."
1224-1225. Hiver rigoureux depuis la
St Denis (9 octobre) jusqu'à la St Marc (25 avril), avec fortes tempêtes ayant
abattu, en Normandie, plusieurs clochers d'églises.
1233-1234. Hiver très rigoureux dans
l'extrême Est de la France et en Italie. Le Rhône et le lac de Zurich furent
congelés. Des voitures chargées purent arriver de la terre ferme jusqu'à Venise
en passant sur la glace.
1235-1236. Toutes les rivières furent
prises par la glace, dont la débâcle entraîna la chute des ponts de Saumur et
de Tours.
1275-1276. Hiver très froid mais de
courte durée, avec chutes de neige abondantes dans l'Est. A Parme, le sol resta
couvert de neige de décembre 1275 à avril 1276.
1291-1292. En Alsace, le mois de
février 1292 fut remarquablement froid. Le Rhin gela à Brisach, où les chevaux
et voitures pouvaient le traverser sur la glace.
1302-1303. en décembre 1302, froids
exceptionnels dans l'Est et le sud-Est du pays, surtout vifs du 26 décembre au
6 janvier. Le Doubs, le Rhin et le Rhône furent gelés."En leurs lits, on
trouvait mort les gens par angoisse de froid."
1305-1306. Froids très vifs du 15
décembre au 25 janvier, et du 15 février à la fin de mars. Tous les grands
fleuves furent pris par les glaces.
1315-1316. L'hiver se montra si rigoureux
en France, en Allemagne et en Angleterre, depuis le début de décembre 1315
jusqu'à Pâques 1316, qu'il provoqua une famine générale. "On était obligé,
lit-on dans l'Histoire d'Angleterre de Rapin de Thoyras, de cacher les enfants
avec un soin extrême, si on ne voulait les exposer à être dérobés pour servir
d'aliments aux larrons."
1322-1323. La partie occidentale de la
mer Baltique fut couverte de glaces du début de février au 15 mars. En février,
il tomba beaucoup de neige en France. Certains auteurs prétendent que la mer
Adriatique fut également gelée.
1324-1325. Hiver très rigoureux dans
le Nord de la France. La Seine gela deux fois, et au cours de la débâcle, les
ponts de bois de Paris furent emportés.
1357-1358. Les contemporains
affirment qu'il tomba au cours de cet hiver des quantités prodigieuses de neige
comme on n'en avait encore jamais vues, surtout en Italie, en Belgique et en
Angleterre.
1363-1364. Dans le centre et le midi
de la France, l'hiver fut très long et ne se termina qu'à la fin de mars : à
Paris, on compta 14 semaines consécutives de fortes gelées durant lesquelles le
sol resta couvert de neige. Le lac de Zurich, le Rhône et le Rhin furent gelés
jusqu'à une grande profondeur. La Loire étant gelée "la ville de Tours employa
38 hommes pour rompre les glaces de la Loire afin d'empêcher les assiégeants de
passer."
1407-1408. En Angleterre, en Allemagne
et en France, cet hiver fut un des plus rudes du Moyen Age, et il occasionna la
destruction d'un nombre considérable d'arbres fruitiers et de vignes. Il se
prolongea du 10 novembre au 31 janvier et du 15 février au 10 avril. On lit
dans les Registres du Parlement : "La St Martin dernière passée, il y eu
une telle froidure que nul ne pouvait besogner. Le greffier même, bien qu'il eût
près de lui du feu en une pellette pour empêcher l'encre de son cornet de
geler, voyait l'encre se geler en sa plume de trois mots en trois mots, et tant
que enregistrer ne pouvait." Par ailleurs Félibien écrit : "tous les
annalistes de ce temps là ont pris soin de remarquer que cet hiver fut le plus
cruel qui eut été depuis plus de 500 ans. Il fut si long qu'il dura depuis la
St Martin jusqu'à la fin de janvier et si âpre que les racines des vignes et
des arbres fruitiers gelèrent. Toutes les rivières étaient gelées et les
voitures passaient sur celle de Seine à Paris. On y souffrait une grande
nécessité de bois et de pain, tous les moulins de la rivière étant arrêtés et
l'on serait mort de faim dans la ville sans quelques farines qui y furent
apportées des pays voisins." A Paris, durant 66 jours les gelées
atteignirent une intensité exceptionnelle : "Le dimanche après l'Epiphanie
les gens allèrent ribber et chouller en
traversant la Seine d'un côté à l'autre."
1419-1420. hiver rude en France avec
beaucoup de neige. Les loups pénétraient jusque dans les faubourgs de la
capitale, qui se trouvait alors aux mains des Anglais.
1422-1423.
Froids
excessifs en Hollande et dans le Nord de la France. La Seine fut prise en
janvier. "Il faisait si froid que personne ne pouvait travailler, mais
seulement sauter, courir, jouer à la pelote ou autres jeux pour s'échauffer.
Les coqs et gelines avaient les crêtes gelées jusqu'à la tête." Ces fortes
gelées accompagnées de neiges durèrent jusqu'au 25 mars.
1434-1435. Hiver très long, appelé en
Angleterre la grande gelée car il s'y prolongea du 24 novembre au 10 février :
"Dans le Nord, il neigea près de 40 jours consécutifs, la nuit comme le
jour". De nombreux lacs et fleuves furent gelés. Les plus lourdes voitures
traversèrent la Seine à Paris et la Moselle à Metz. "L'eau qui écoulait
des linges mouillés placés devant le feu pour sécher gelait en tombant."
1442-1443. C'est surtout dans le Midi
que cet hiver fut remarquable. "Les rivières du pays de Gascogne, du
Languedoc et du Quercy gelèrent si fort que nul ne pouvait y aller ni à pied ni
à cheval par suite des neiges qui étaient chutes sur la terre." Les chroniques de l'époque relatent qu'en cette année 1442 " la
reine de France, Marie d'Anjou, épouse du roi Charles VII, étant en la ville de
Carcassonne, y fut assiégée par les neiges hautes de plus de 6 pieds par les
rues et fallut qu'elle s'y tint l'espace de trois mois, jusqu'à ce que M. le
Dauphin, son fils, vint la quérir et la conduisit à Montauban où était le roi son
père." De son côté, en effet, Charles VII avait été contraint à passer
l'hiver à Montauban, depuis Noël 1442 jusqu'à la fin de février 1443, sans
pouvoir, en raison des rigueurs de la saison, sortir de la ville.
1457-1458. Du 20 novembre jusqu'à la
fin de février l'hiver se montra très rigoureux. De nombreuses rivières furent
prises par les glaces et une armée de 40 000 hommes put camper sur le Danube
congelé. La saison se termina, dans la région parisienne, par une abondance
exceptionnelle de chutes de neige.
1480-1481. L'hiver fut très froid et
très long, car il se prolongea pendant plus de 6 mois. La Seine, l'Oise, la
Marne et l'Yonne furent gelées. En Bretagne, des gelées d'une exceptionnelle
intensité se produisirent de Noël 1480 à la fin de février 1481. Les vignes
périrent en grand nombre dans l'Est : dans certaines contrées, "on coupait
le vin avec la hache et la cognée et on le vendait au poids".
1490-1491. Dans l'Est, il fut appelé l'hiver
des grandes neiges. Le Lac de Zurich fut gelé.
1507-1508. hiver rigoureux dans le
Midi. Le jour de l'Epiphanie, il tomba à Marseille près d'un mètre de neige (3
pieds).
1513-1514. On compta dans le Nord et l'Est 12 semaines de fortes gelées. Le Rhin et le lac de Zurich furent pris en totalité et pendant 11 jours, on put les traverser facilement.
1534-1535. L'hiver fut rude dans le
Massif Central. "Le Lot gela en janvier et on pouvait le traverser sans
danger."
1543-1544. "L'hiver fut si
rigoureux en Bretagne que la plupart des plantes gelèrent jusqu'à la racine."
Dans le Nord du pays, le froid fut si vif en décembre et au début de janvier
qu'il fallait couper le vin dans les muids à coup de hache et le vendre au
poids.
1552-1553. L'hiver fut dur dans le
Nord et l'Est. Lors du siège de Metz par Charles Quint, on fut obligé de couper
les jambes à de nombreux soldats transis par le froid.
1564-1565. A Paris, les grands froids
durèrent de la fin de décembre 1564 jusqu'au 20 mars 1565. Sur la Somme gelée,
"on établit des loges où il se vendait des vivres comme en plein
marché". En Provence, les oliviers périrent en grand nombre et, à Arles,
le Rhône fut pris dans toute sa largeur. Partout la neige tomba en abondance,
en particulier dans l'Aude où les chutes se prolongèrent pendant plus de 8
jours et dans la Vendée où par places son épaisseur atteignit 6 pieds.
1568-1569. En décembre 1568, toutes
les rivières de France furent prises par les glaces. Le froid reprit ensuite en
février mars et avril. En Vendée, les rigueurs de cet hiver s'y firent sentir
"de Noël 1568 à la St Vincent 1569". Devant Bordeaux "la mer
gela et la glace y était de la hauteur d'un homme". En Provence, de
nombreux figuiers et oliviers furent tués par ces gelées. Le 19 décembre, les
rigueurs de l'hiver obligèrent le duc d4anjou à abandonner le siège de Loudun.
1570-1571. L'hiver fut si rude de la
fin de novembre 1570 à la fin de février 1571 que, pendant ces trois mois, les
rivières restèrent suffisamment gelées
pour supporter tous les charrois : le 10 mars, la Meuse et le Rhin étaient encore
pris. Un grand nombre d'arbres fruitiers furent détruits par ces froids, même
dans le Languedoc.
1594-1595. Hiver rigoureux du début
décembre jusqu'à la mi-janvier. Le froid reprit le 13 avril avec une intensité
aussi grande qu'en décembre, ce qui occasionna à Paris beaucoup de morts
subites, principalement chez les femmes et les petits enfants : à cette même
date, de nombreuses hirondelles tombèrent mortes de froid. Toutes les rivières
de l'Europe occidentale et centrale, de même que les lagunes de Venise, furent prises fortement.
1607-1608. Appelé longtemps le grand
hiver, car de la mi décembre 1607 jusqu'à la mi mars 1608 les rigueurs d'un
froid intense se firent sentir sur toute l'Europe septentrionale et
occidentale. Le Rhin fut pris depuis son embouchure jusqu'en amont de Cologne.
"Devant Anvers, l'Escaut gela si fort que l'on y bâtit dessus plusieurs
tentes et pavillons où s'y vendaient toutes sortes de victuailles : les
habitants d'Anvers y menaient banqueter leur femme et leurs enfants." Le
10 janvier, le vin gela dans le calice à l'église Saint-André-des-Arts de
Paris, et , écrit l'Estoile, "il fallut chercher un réchaud pour le
fondre". En Champagne, "le vin gelait sur les tables, quelles que
proches du feu qu'elles fussent". Dans l'Est, de nombreux voyageurs
périrent dans les neiges.
1615-1616. en cet hiver, le roi Louis
XIII revenait de Bordeaux où son mariage avait été célébré et se rendait à
Paris avec sa nouvelle épouse. L'intensité du froid fut telle que, dans le
régiment des Gardes composé de 3 000 hommes formant l'escorte royale, plus de 1
000 périrent au cours du voyage : aussi la Cour dut-elle s'arrêter à Tours,
car, dit le Mercure Français, "le froid fit mourir tant de valets
et serviteurs des princes et seigneurs qu'ils furent contraints, étant à Tours,
de faire maison neuve". Des historiens rapportent qu'en certains lieux de
la Sarthe, l'épaisseur de la couche de neige atteignait la hauteur d'un homme. A
Paris, la Seine fut gelée du 1er au 30 janvier, et, lors de la débâcle, un côté
du Pont Saint-Michel se trouva renversé.
1620-1621. Hiver très long, avec
gelées particulièrement rudes de la fin de janvier à la fin de février. En ce
dernier mois, la mer fut par les glaces à Dunkerque. Le port de Calais fut
gelé, de m^me que l'Escaut. Les froids furent également très vifs en Provence,
et les glaces des lagunes de l'Adriatique emprisonnèrent la flotte vénitienne.
1640-1641. Dans le Massif Central,
cet hiver "le plus terrible qui ait été de la souvenance des vivants"
se prolongea du début d'octobre jusqu'au mois de mai.
1655-1656. Hiver très rigoureux en
France et en Allemagne à partir du 25 novembre 1655. Chutes de neige
abondantes. La Seine gela à Paris du 8 au 16 décembre 1655.
1657-1658. Les rigueurs de cet hiver
se firent sentir dans toute l'Europe. A Paris, le mois de janvier et le début
de février 1658 furent extrêmement froids et la Seine fut gelée du 1er au 21
février. Dans le Massif Central, "il y eu si grand froids que de mémoire
d'homme on ne vit tant de glace dans le Lot". Cet au cours de cet hiver
que Charles X, roi de Suède, fit traverser le Petit Belt sur la glace par toute
son armée, y compris le cavalerie, l'artillerie, les caissons...
1659-1660. Il y eut deux séries de
très fortes gelées, la première de Noël à la mi-janvier et la seconde en
février. "Cette froidure surpassa, non seulement celle du grand hiver
1607-1608, mais aussi l'industrie et l'expérience des plus grands éventeurs, puisqu'elle
purifia le butin et les maisons des pestiférés de la ville incomparablement
mieux qu'ils ne l'avaient fait avec leurs feux et leurs parfums." Le Rhône
fut gelé.
1662-1663. hiver long avec gelées
presque continues à Paris du 5 décembre au 8 mars. En décembre 1662 la Seine
était entièrement prise.
1669-1670. Froid excessif en janvier
et février. Pendant ces deux mois, l'Escaut fut entièrement pris.
1676-1677. A Paris, la Seine resta
gelée du 9 décembre au 13 janvier, soit 35 jours consécutifs. Pendant 3
semaines de ces deux mêmes mois, on traversait, en Belgique, la Meuse sur la
glace.
1683-1684. Des froids rigoureux se firent sentir, surtout au mois de janvier 1684. Le long des côtes de l'Angleterre, de Hollande et de France, la mer fut gelée sur une étendue de plusieurs milles au point que, pendant plusieurs semaines, aucun bateau ne put sortir des ports ou y rentrer : sur la Tamise même, qui resta gelée du 23 décembre au 7 février, on installa une foire qui put subsister pendant une quinzaine. D'après les écrivains du temps, le tiers des campagnes voisines de Tours mourut de faim au cours de cet hiver. Dans le Midi, il tomba des quantités de neige extraordinaires.
1694-1695. Hiver très long, d'octobre 1694 à mars 1695, avec de fortes gelées (minimum à Paris -15°).
1708-1709. "Le lundi 7 janvier 1709, lit-on dans une chronique de l'époque, commença une gelée qui fut ce jour-là la plus rude et la plus difficile à souffrir : elle dura jusqu'au 3 ou 4 février. Pendant ce temps là, il vint de la neige d'environ un demi-pied de haut : cette neige était fort fine et se fondait difficilement. Quelques jours après qu'elle fût tombée, il fit un vent fort froid d'entre bise et galerne (c'est-à-dire d'entre N et NW) qui la ramassa sur les lieux bas, ils découvrirent les blés qui gelèrent presque tous". Les céréales manquèrent, en effet, dans la plus grande partie de la France, et il n'y eu guère qu'en Normandie, dans le Perche et sur les côtes de Bretagne qu'on pût juste récolter la quantité de grain nécessaire pour assurer les semences ; aussi dans la région parisienne le prix du pain atteignit-il, en juin 1709, 35 sous les neuf livres au lieu de 7 sous, prix ordinaire. De nombreux arbres furent gelés jusqu'à l'aubier, et la vigne disparut de plusieurs régions de la France. Du 10 au 21 janvier, la température sous abri se maintint à Paris aux environs de -20°, avec des minima absolus de -23.1° les 13 et 14 janvier ; le 11, le thermomètre s'abaissa jusqu'à -16.1° à Montpellier et -17.5° à Marseille.
L'hiver de 1709 fit ressentir ses effet sur une grande partie de l'Europe. L'Ebre, la Garonne, le Rhône et la Meuse gelés, mais la Seine resta libre ; au début d'avril, la Baltique était encore couverte de glaces. Aux dires de Réaumur et de Lavoisier, on n'avait jamais encore observé en France de froids aussi rigoureux que ceux de 1709.
1715-1716. Hiver froid et très neigeux du 20 décembre au 31 janvier. A Paris, -20° le 22 janvier. En Savoie la neige avait 20 pieds d'épaisseur : il en était de même en Alsace.
1728-1729. Hiver long et rude, en particulier du 24 décembre au 22 janvier et du début mars à la mi-avril. En Poitou, l'encre gelait dans les plumes, même dans les pièces chauffées. En Provence, les oliviers périrent. A Paris, le thermomètre s'abaissa jusqu'à -15°. Le mois d'avril fut marqué par de fortes chutes de neige.
1739-1740. "Le nom d'année du grand hiver est devenu propre à 1709, écrivait Réaumur dans les Mémoires de l'Académie des Sciences ; celui de l'année du long hiver est dû à aussi bon titre à 1740."
En France la saison froide dura du mois d'octobre 1739 jusqu'à mars 1740 ; à Paris on compta pendant ce temps 75 jours de gelées dont 22 consécutifs. Les gelées de 1740 furent moins rigoureuses que celles de 1709, mais la neige tomba en beaucoup plus grande abondance en janvier et février. Grâce à cette dernière circonstance, les blés se trouvèrent protégés et au début de juin ils présentaient une magnifique apparence. Malheureusement la récolte fut compromise par les froids pluvieux de l'été 1740, qui présenta une température si basse qu'on put écrire que dans la région parisienne "il avait gelé en 1740 pendant tous les mois de l'année".
1741-1742. Janvier 1742 fut très rigoureux en France, où, du 2 au 25, les gelées furent ininterrompues. Dès le 27 décembre 1741, la Seine était prise.
1775-1776. Très rude dans le Nord, cette saison ne présenta par contre aucune anomalie remarquable dans le Centre et le Midi. D'après la description d'un contemporain, "l'embouchure de la Seine sur une largeur de plus de 8000 mètres, se montra, dès le 29 janvier 1776 et les jours suivants, toute couverte de glaces, ainsi que cette partie de la mer comprise entre la baie de Caen et et le Cap de la Hève, en sorte que du Havre, la mer paraissait couverte de glace jusqu'à l'horizon ; cette glace était rompue par le flux et le reflux, ce qui donnait à notre mer l'apparence de la Baltique".
Les fortes gelées commencèrent en France dans la nuit du 8 au 9 janvier et durèrent jusqu'au début de février.
A Paris, la Seine fut entièrement gelée du 25 janvier au 6 février. Le minimum absolu de température atteignit -17.2° le 29 janvier à Paris et -22.5° à Nancy le 1er février, mais la couche de neige, qui dépassait 4 pouces d'épaisseur, permit à de nombreux végétaux de résister à ces gelées exceptionnelles.
1783-1784. C'est surtout dans le Nord de la France que cet hiver fit sentir ses rigueurs depuis le début de novembre jusqu'en avril, et la neige y tomba avec une telle abondance entre le 26 décembre et le 17 février que la circulation fut fréquemment interrompue. Le 30 décembre 1783, le minimum thermométrique à Paris s'abaissa jusqu'à -19.1° et dans la capitale on enregistra 69 jours de gelée consécutifs. La terre fut gelée jusqu'à 65 cm de profondeur.
1788-1789. L'Europe entière subit les rigueurs de ce remarquable hiver, principalement de la fin de novembre 1788 à la mi-janvier 1789. A Paris, où la Seine resta gelée du 26 novembre au 20 janvier, on compta cinquante six jours de gelée consécutifs avec un minimum absolu de -21.8° le 31 décembre 1788. Le Rhône fut pris à Lyon, la Garonne à Toulouse, de même que le Rhin, la Tamise et le lac Léman. La masse des glaces intercepta les communications entre Calais et Douvres et les navires se trouvèrent bloqués dans les ports de la Manche : on traversait à pied et à cheval le port d'Ostende. A Marseille, les bords du bassin étaient couverts de glace. Au moment du dégel, les blés apparurent très verts et très propres, car la neige qui avait été très abondante les avait protégés et les mauvaises herbes s'étaient trouvées en grande partie détruites. Voir ici pour plus de détails en région lyonnaise.
1794-1795. Deux périodes de gelée intense : la première de la mi-décembre à la fin de janvier et la seconde de la mi-février à la fin de mars.
A Paris, il y eut quarante-deux jours de gelée consécutifs et la Seine fut gelée du 25 décembre au 28 janvier : le 23 janvier le thermomètre descendit à -23.5°. C'est au cours de cet hiver que la cavalerie de Pichegru s'empara de la flotte hollandaise bloquée par les glaces dans le Zuydersée." Le Zuydersée était gelé, raconte Thiers ; nos escadrons traversèrent au galop ces plaines de glace, et l'on vit des hussards et des artilleurs à cheval sommer comme une place forte ces vaisseaux devenus immobiles et qui se rendirent à ces assaillants d'une espèce si nouvelle".